Espèces Invasives

A l’origine de la contamination :

Une espèce invasive est une espèce  exotique (ou exogène ou allochtone) qui se situe en dehors de son aire de répartition naturelle, qui a la capacité de s’étendre géographiquement et qui modifie l’écosystème dans lequel elle vit. Ces espèces ont pu coloniser de nouveaux pays ou de nouveaux continents notamment grâce au développement des échanges commerciaux par le biais des transports maritimes ou aériens. Ces plantes ont été transportées accidentellement ou volontairement au cours du XIXème siècle, et ont pu, pour certaines d’entre elles, s’implanter sur leur nouvelle terre d’accueil. Toutes les espèces exotiques ne deviennent pas invasives. En 1996, Williamson a élaboré la règle des 3x10 (The 3 tens rule) qui se vérifie assez bien : parmi l’ensemble des espèces exotiques introduites : 10% vont établir une population locale viable. 10% de ces dernières vont s’étendre géographiquement et encore 10% de celles-ci deviendront invasives et modifieront l’écosystème. Ainsi sur 1000 espèces exotiques introduites, une seule deviendra invasive. Après un stade de latence, pendant lequel certaines espèces se sont naturalisées sur notre territoire, nous avons pu constater, et constatons encore, une prolifération de certaines d’entre elles.

Les principes de l’expansion :

Nombreuses sont les rivières françaises sur lesquelles les constats d’invasion sont alarmants. Certaines vallées, comme celles de l’Azergue, de la Loire ou encore de l’Allier pour ne citer qu’elles, connaissent des changements écologiques importants de leurs berges depuis l’expansion de ces espèces. Nous assistons depuis quelques décennies au remplacement de notre flore locale par de nouvelles espèces aux traits particuliers ; bien souvent de tailles importantes, parfois aux couleurs attirantes et généralement de croissance extrêmement rapide. Ce sont sur les berges des rivières sans cesse malmenées, tantôt par les eaux, tantôt par les hommes, qu’elles trouvent un habitat propice à leur installation. Les berges à nue sont des espaces privilégiés pour l’installation de ces espèces pionnières, les travaux incessants pour dompter la rivière sont des vecteurs de contamination parmi les plus importants par l’apport de matériaux contaminés. Les graines, tiges ou racines pourront ensuite aisément être transportées plus à l’aval par les montées des eaux qui viendront les cueillir sur les berges. Leur implantation conduit à terme à de très grandes surfaces colonisées exclusivement par ces espèces, ressemblant par endroits à d’impénétrables massifs denses. De manière générale ces espèces exotiques sont arrivées sur le territoire de la Dombes, comme ailleurs en France, en premier lieu dans les jardins comme plantes ornementales. De par leur potentiel colonisateur rapide et par manque de vigilance, elles se sont échappées des jardins et ont trouvé dans le milieu naturel des niches écologiques favorables à leur expansion au détriment de la flore locale.

Les risques et les conséquences d’une contamination :

L’aspect paysager qui pourrait radicalement changer, les bords de rivières ne seraient plus composés de différentes strates arborées et arbustives d’espèces variées. Les bords de rivières pourraient ressembler à terme à d’immenses massifs uniformes et impénétrables de renouées géantes. Leur croissance rapide leur permettrait de prendre la place des espèces qui devraient être présentes. Les cortèges d’insectes accompagnant normalement les espèces autochtones seraient mis à mal. Toutes les repousses de frênes, d’aulnes, de chênes, de sureau, d’aubépines, de viornes, de saules, … seraient dans l’incapacité de se régénérer. La chaine trophique liée à ces espaces boisés le long des rivières s’en trouverait modifiée par l’absence de nombreux maillons.

Les renouées asiatiques sur notre territoire :

La Chalaronne ne fait pas exception et possède également son lot de plantes invasives. Sa partie aval, depuis la traversée de Châtillon sur Chalaronne jusqu’à sa confluence avec la Saône, est particulièrement touchée par le développement des renouées asiatiques (renouée du Japon, renouée de Sakhaline et leurs hybrides). Sur ce linéaire, il est parfois même difficile de faire une centaine de mètres sans en rencontrer. Cela est encore plus vrai à partir de Saint Etienne sur Chalaronne où de nombreuses stations de renouées sont présentes sur les berges de la rivière. Cette espèce originaire d’Asie peut se propager à l’aide d’un très petit fragment de ses rhizomes ou bien par bouturage de ses tiges. Sa croissance extrêmement rapide (jusqu’à 10 centimètres par jour) lui permet de former des massifs très denses empêchant ainsi les espèces locales de se développer, réduisant la biodiversité et homogénéisant les paysages. Ses rhizomes, pouvant atteindre jusqu’à 3 mètres de profondeur ne permettent pas de maintenir les berges, contrairement aux réseaux racinaires très ramifiés des Aulnes ou Frênes fréquemment rencontrés le long des cours d’eau. Une fois l’automne arrivé, les tiges, pouvant atteindre 3 mètres de hauteur, sèchent, laissent les berges à nu et provoquent des accumulations de matière morte dans les plus petits cours d’eau ou dans les ouvrages présents sur nos rivières.

La jussie dans les étangs de la Dombes :

Mais la rivière n’est pas le seul milieu touché par ces espèces, certains étangs de la Dombes  ont été colonisés par la Jussie. Originaire d’Amérique, cette plante a largement été répandue pour ses qualités ornementales. Cependant son expansion n’en est pas moins problématique, ses rosettes de feuilles peuvent se détacher et flotter à la surface de l’eau pour se laisser porter et ainsi parcourir de très grandes étendues de surface. Certains plans d’eau envahis peuvent être entièrement recouverts de Jussie lors de son stade de floraison estival. Ces herbiers denses peuvent provoquer un fort impact sur la qualité physico-chimique du milieu, où la concentration en oxygène décroit et le pH diminue, réduisant par endroit la biodiversité aquatique. Ces herbiers peuvent également présenter une gêne pour la pêche, la chasse ou bien la pratique de sport nautique.

 

Un plan de gestion de nos rivières :

© Photo: Laurent Francini

Afin de pouvoir évaluer le niveau de colonisation du territoire, le Syndicat des Rivières des Territoires de Chalaronne a réalisé en 2010 un inventaire des plantes invasives sur l’ensemble de son réseau hydrographique. Le Solidage du Canada, le buddléia du Père David, la Balsamine de Balfour, la Balsamine de l’Himalaya, le Raisin d’Amérique et l’Azolla fausse-fougère (toutes reconnues comme envahissantes) ont été retrouvées  mais en plus petit nombre que les renouées asiatiques. Le plan d’action mis en place par le SRTC a été de privilégier les interventions sur les espèces encore peu présentes et sur les secteurs peu envahis. Les actions proposées pour lutter contre le développement des renouées asiatiques seront principalement réalisées sur la partie amont de la rivière. En effet, il n’a presque pas été trouvé de renouées sur les 15 kilomètres de rivière entre Villars les Dombes et Chatillon sur Chalaronne. Une des premières actions à mettre en place est la préservation des secteurs encore indemnes de ces espèces par la limitation de leur introduction. Des opérations consisteront donc sur les massifs situés à l’amont de la Chalaronne de tenter de contenir ou d’éliminer l’espèce par des coupes régulières ou par le bâchage des berges envahies en complément de plantations d’arbres locaux et adaptés (Frêne, Aulne, Saule, Sureau, …) afin que ceci prennent le dessus. Des tentatives d’éradication par des arrachages seront également expérimentées sur toutes les autres espèces envahissantes rencontrées en plus petit nombre sur les rivières.

Une lutte solidaire :

Cela ne sera évidemment possible qu’avec le soutien de l’ensemble du territoire et si chacun y met du sien. C’est pourquoi le SRTC créera des documents de sensibilisation à destinations des collectivités locales et notamment des services techniques communaux afin que les personnels qui pourront être amenés à intervenir pour lutter contre ces espèces puissent les reconnaitre et savoir comment les gérer au mieux. Des consignes de prévention devront être intégrées dans les marchés de travaux proposés par les collectivités afin que les entreprises les réalisant interviennent avec des matériaux sains exempts de toute espèce invasive. Lorsque des chantiers auront lieu à proximité immédiate de plantes invasives connues, des attentions particulières devront être prises afin que les véhicules ne circulent pas parmi elles. Des lavages de tous les outils ayant pu être en contact avec ces plantes devront être systématiques afin de ne pas les transporter. Des programmes de sensibilisation pourront également être menés auprès des propriétaires de parcelles sur lesquelles ces espèces ont été retrouvées. Des plaquettes de reconnaissance et d’information seront également distribuées lors de manifestations auxquelles le SRTC participe, comme la foire aux plantes rares qui a lieu chaque année à Chatillon sur Chalaronne. L’ensemble des acteurs devra également redoubler de vigilance  lors de la réalisation de chantier sur le territoire. En effet, l’apport de terre contaminée est une des premières causes d’envahissement.

 

L’action de l’homme a de tout temps déréglé la nature, le SRTC a pris le parti de compenser les phénomènes en amenuisant ces effets induits. Lutter contre des espèces déjà trop installées conduirait à épuiser budgétairement et moralement les acteurs locaux sans avoir la certitude de réussir à parvenir à son but.

Carte d'état des lieux des espèces végétales invasives sur les territoires de Chalaronne

Lien vers l'étude sur les espèces invasives sur les territoires de Chalaronne

Lien vers le guide des espèces végétales invasives des territoires de Chalaronne